Relation entre l’humain et la biodiversité
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- LE 25 avril 2024

« Without nature, we are nothing. Humanity has, for hundreds of years, conducted a cacophony of chaos, played the instruments of destruction » (« Sans la nature, nous ne sommes rien. L’humanité a, pendant des centaines d’années, mené une cacophonie de chaos, joué des instruments de la destruction »).

Tels ont été les mots employés par Antonio Guterres, secrétaire général des Nations Unies, lors de la COP15 (15ème Conférence des Parties relative à la Convention des Nations Unies sur la diversité biologique). Dans le contexte d’urgence climatique actuel, exerçant une pression sans précédent sur la biodiversité, la dimension internationale de la protection de la biodiversité est cruciale. En effet, l’état de la biodiversité d’un pays à l’autre est étroitement lié au climat, qui lui n’a pas de frontières. L’essor et le respect d’un droit international de la biodiversité apparait donc plus important que jamais…

🌍 La biodiversité : un bien commun pour un enjeux global

Si le statut de la biodiversité en droit international public n’est pas véritablement défini, il est possible de la considérer comme un “bien commun” au regard de son caractère global et des services qu’elles peut fournir (d’un point de vue esthétique, alimentaire, écologique, pharmaceutique ou de manière général du fait de sa capacité à maintenir la vie sur Terre). Les économistes la considère notamment comme un “bien public mondial”.

Afin de mieux comprendre ce concept et comprendre l’enjeu international auquel il est relié, le Programme des Nations Unies pour le Developpement se réfère à trois catégories de “biens” mondiaux:

→ Les biens publics mondiaux naturels (biodiversité, stabilité du climat, …)

→ Les biens publics mondiaux d’origine humaine (connaissances scientifiques, …)

→ Les résultats politiques globaux (paix, stabilité financière, lutte contre les pandémies, …)

En ce sens, ces différentes manières de définir la biodiversité en tant que concept juridique sous la forme de “bien” et “résultat” permettent justement de mettre en relief les enjeux internationaux auxquels les populations sont confrontées. Seule une coordination entre Etats pourrait in fine permettre d’assurer la protection et la pérennité de ce “bien” commun.

🚧 Un droit ancien réactualisé à l’heure de la crise de la biodiversité

Construction progressive d’une action concertée pour la protection de la biodiversité à l’échelle internationale

 

Le déclin de la biodiversité n’est pas récent, c’est un processus lent et progressif qui a commencé il y a déjà un certain temps. La limite planétaire relative à la biodiversité a été dépassé il y a déjà des dizaines d’années, nous rappelant de fait que nous sommes bien en deçà des conditions propices pour que la planète conserve son intégrité fonctionnelle. Or, cette crise de la biodiversité a un impact direct sur l’Homme et sa santé. Elle met notamment en danger la sécurité alimentaire au niveau mondial (le système alimentaire des pays étant interdépendants du fait de la mondialisation).

 

C’est entre 1970 et 1980 que les plus grandes conventions internationales sur la biodiversité sont adoptées :

     👉 1972 : Déclaration de Stockholm sur l’environnement (Premier Sommet de la Terre)

Cette déclaration pose des principes toujours actuels fondateurs et structurants en droit de l’environnement et particulièrement en matière de protection internationale de la biodiversité.

• Le principe de l’utilisation non dommageable du territoire et plus généralement de prévention

• Le principe de coopération

• Le principe de préservation de l’environnement pour les générations présentes ou à venir

• Le droit à un environnement sain

 

     👉 1992 : Convention sur la Diversité biologique

Sous l’égide des Nations Unies, cette convention a été adoptée par 189 pays dont la France. Elle admet trois buts principaux :

• La conservation de la diversité biologique

• L’utilisation durable de ses éléments

• Le partage juste et équitable des avantages découlant de l’exploitation des ressources génétiques

L’importance de cette convention (bien que non contraignante) provient de sa dimension englobante, qui manquait dans les précédents textes : elle adopte une approche globale de la protection de la biodiversité par la préservation des écosystèmes dans leur ensemble. En effet, elle inclut “les espaces et les espèces” mais aussi “les activités de planification, de recherche et d’éducation”. La biodiversité ne peut pas être envisagée en admettant des frontières (physiques et donc politiques). Elle doit être considérée comme un tout interdépendant et indivisible.

🚨 Limites du droit international de la biodiversité

Un droit peu contraignant et une politique essentiellement volontariste                      Un consensus impossible qui s’efface devant la souveraineté des Etats en droit international ?

 

👉 Le droit international est volontariste : il repose sur le bon vouloir des Etats

La limite majeure qui pourrait être opposée au droit international de la biodiversité provient de la dimension volontariste du droit international général. Le droit international repose sur la volonté des États qu’il est impossible d’obliger à s’engager internationalement, leurs compétences sont souveraines (la souveraineté est le pouvoir suprême reconnu à un État de faire ses lois et de les mettre en pratique). Elles ne peuvent être limitées par un quelconque engagement.

Or, le droit de la biodiversité, ou plus généralement de l’environnement, s’avère être particulièrement impacté par cette caractéristique du droit international au regard de sa dimension complexe et polémique (car il implique des changements à toutes les échelles, notamment économiques).

En ce sens, s’il existe bien un droit international de la biodiversité avec des textes écrits, ce droit repose toutefois en grande majorité sur socle coutumier, comprenant notamment l’obligation fondamentale de ne pas causer de dommage à l’environnement des autres États. Or, par définition, une coutume n’est ni obligatoire ni sanctionnée pour son non respect.

Ainsi, il est donc tout à fait légitime de logique de se demander : mais pourquoi les Etats refusent d’appliquer des normes (règles) de protection de la biodiversité sur leur propre territoire ? La réponse est simple et complexe à la fois : ces normes ont pour la grande majorité un effet à long terme (le respect du droit de l’environnement et de l’environnement de manière plus générale ne se voit pas immédiatement mais évitera bien des catastrophes dans les années à venir, qui sont elles pourtant réelles et prouvées scientifiquement). Or, les ambitions économiques des Etats obligent ces derniers à souvent penser sur le court terme. Les Etats sont profondément attachés à leur souveraineté territoriale et notamment à l’exploitation des ressources qui se trouvent sur leur territoire. Ces deux objectifs sont difficilement conciliables sur le court terme.

👉 La protection de la biodiversité nécessite une action globale et concertée

La conséquence même de la politique volontariste du droit international est une protection de la biodiversité non globale et inadaptée à la dimension universelle de la crise écologique qui nécessite une action à toutes les échelles, par tous les Etats, de manière coordonnée et organisée.

En effet, dans une telle lutte, le déclin (que ce soit en quantité ou en qualité) de la biodiversité au sein d’un Etat se répercute dans le monde entier. Par exemple, la fonte des glaces de l’Antarctique impacte le reste du globe et participe directement au réchauffement de la surface entière de la Planète). La biodiversité n’a pas de frontières, les Etats sont interdépendants face à ces problématiques. Ces différentes expressions telles que “préoccupation commune”, “bien public mondial”, ou encore “bien commun” marquent la nécessité d’agir ensemble. Des tentatives affin de faire reconnaitre la biodiversité comme un “patrimoine commun de l’Humanité” ont vu le jour mais sans succès face au principe de souveraineté des Etats.

Ainsi, le droit international de l’Environnement dit “primitif” des années 70, d’après le chercheur associé Louis de Redon, était davantage centré sur la conservation des écosystèmes fragiles, rares ou des espèces en voie ‘extinction, de telles mesures sont certes importantes à mettre en place et relativement faciles à mettre en place. Toutefois, toutes les politiques plus globales font fuir.

« Les Etats sont prêts à protéger une espèce emblématique mais sont beaucoup plus réservés quant à l’adoption de politiques générales de préservation de la biodiversité ”, souligne le chercheur. “Quel sera l’intérêt de la construction des parcs naturels ou quels seront les effets des traités sur les oiseaux migrateurs si nous sommes incapables de réguler nos émissions de CO2 pour maintenir les équilibres globaux ?”

L’équilibre entre …

→ la souveraineté des Etats, leurs intérêts économiques et commerciaux et

→ la nécessité de protéger le bien commun qu’est la biodiversité au niveau international

… n’a donc pas encore été trouvé et sera dans les années à venir un enjeux majeur pour affronter les crises écologiques qui se produiront.

 

👉 Une politique interventionniste incohérente avec le postulat scientifique

La Professeure Sandrine Maljean-Dubois fait part de son inquiétude en matière d’action pour la biodiversité : “on souffre, peut-être aussi, à la fois de notre narcissisme et d’un excès de confiance en nous […] nos politiques sont des politiques interventionnistes”. Or, comme un très grand nombre d’études et de scientifiques le préconise, il faut aujourd’hui se tourner vers un réensauvagement de la planète. Or, il s’agit là d’une politique bien plus modeste et humble, tout sauf interventionniste. Elle revient à laisser faire la nature et ne plus intervenir. A cet égard, le philosophe Baptiste Morizot estime qu’il faut “raviver les braises du vivant” c’est-à-dire souffler dessus et puis laisser faire.

Pourtant, le Cadre mondial sur la biodiversité adopté cet hiver lors de la COP15, n’est pas du tout n accord avec un tel postulat. Comme le souligne Sandrine Maljean-Dubois, “on reste dans une conception traditionnelle d’une humanité « médecin planétaire » qui, en l’espèce, peut être vaine”

Cet article a été rédigé par Gurvan, « A bicyclette pour la planète ! Et en plus je roule aux légumes bio. »