Autorisation renouvelée pour 10 ans du glyphosate et atteintes à la biodiversité
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- LE 28 février 2024

LE GLYPHOSATE, ENCORE RENOUVELÉ 

C’est acté : faute de compromis entre les Etats membres de l’Union européenne (UE), l’autorisation pour utiliser du glyphosate a été renouvelée pour 10 ans le 16 novembre dernier par la Commission européenne. Cette décision, vivement critiquée par l’opinion publique, n’est pourtant pas sans conséquences sur la pérennité de la biodiversité …

💡 Le glyphoquoi ? 


D’après l’Agence nationale de sécurité sanitaire de l’alimentation, de l’environnement et du travail (Anses), le glyphosate est une
substance utilisée pour fabriquer des herbicides, essentiellement afin de détruire les plantes “indésirables” en zones agricoles, forestières et non agricoles. Redoutablement efficace dans son utilisation sur tout type de plantes et peu coûteux, il s‘agit du pesticide le plus utilisé au monde.

⛔ L’absence de consensus scientifique sur la toxicité du glyphosate : retour sur un débat toujours d’actualité

Si le glyphosate apparaît sur la liste des substances actives approuvées par l’UE depuis 2002, les débats publics ont toutefois commencé en 2015. Différents organismes se sont emparés du sujet, sans pourtant parvenir à un consensus.

Le Centre international de recherche sur le cancer (CIRC) a classé le glyphosate comme “probablement cancérigène pour les humains). Pourtant, en novembre 2015, puis en 2022, l’Autorité européenne de sécurité des aliments (EFSA) contredit ce postulat, tout comme l’Agence européenne des produits chimiques (ECHA) suite à un consensus des experts nationaux des 27 Etats membres de l’UE.

En octobre 2017, une initiative citoyenne européenne de plus d’1 millions de déclarations de soutien est présentée à la Commission européenne (procédé permettant aux citoyens européens de participer à l’élaboration des politiques de l’UE). Toutefois, la Commission en conclut qu’il n’existe “aucune raison scientifique ni juridique justifiant une interdiction du glyphosate” et qu’elle ne fera pas de proposition législative en ce sens, “le niveau de risque ne justifiant pas d’interdire” le pesticide en question.

Ainsi, le 16 novembre 2023, aucune majorité ne s’est dégagée parmi les 27 Etats membres de l’UE lors d’un second vote relatif au renouvellement de l’autorisation d’utilisation du glyphosate. 

Or, conformément aux règles européennes, dans une telle situation c’est la Commission européenne de décider. Elle a ainsi tranché pour l’approbation du glyphosate jusqu’en 2033, sous réserve de certaines conditions. La Commission a estimé qu’on ne pouvait pas s’attendre “à court terme, à obtenir suffisamment de nouvelles informations pour aboutir à un résultat différent” des études menées en 2012. Cependant, “de nouvelles connaissances” sur le pesticide pourraient voir le jour avec “l’intensification des recherches sur le glyphosate ces dernières années”.

Pourtant, le système en place pour autoriser un pesticide au sein de l’UE est supposé très strict, au point que plus de 700 substances ont pu être interdites. En effet, la substance active présente dans la composition d’un pesticide doit faire l’objet d’une évaluation scientifique rigoureuse. L’EFSA, en collaboration avec les autorités compétentes des Etats membres de l’Union, étudient toutes les études scientifiques existantes puis rendent un avis à la Commission européenne. Les Etats membres sont ensuite invités à voter.

 

    🌍 La biodiversité : dommage collatéral du glyphosate

    Si l’objet des inquiétudes concerne en partie les effets éventuels du glyphosate sur la santé humaine, les associations sont également inquiètes quant à son impact sur l’environnement et tout particulièrement la biodiversité

    Un rapport de l’EFSA souligne notamment l’existence de “lacunes dans les données”, de questions “non résolues” ou encore “en suspens” concernant ces impacts. Néanmoins, de nombreuses controverses demeurent quant au degré de cette toxicité sur les différents organismes vivants et sur l’environnement.

    Cette toxicité dépend non seulement du type de la formulation du glyphosate, mais aussi des facteurs environnementaux tels que la température, le pH, la nature et la structure du sol, ainsi que les sédiments en suspension et la concentration en algues alimentaires (dans le cas des milieux aquatiques).

    Attention : il reste important de préciser que le glyphosate isolé, en tant que substance active, n’est pas particulièrement toxique s’il n’est pas associé à des coformulants pour créer des herbicides, ce qui est le cas du glyphosate. Or, la grande majorité des études d’impact portent exclusivement sur le glyphosate seul, alors même qu’il est systématiquement employé avec des additifs dont certains ont de manière certaine été considérés comme toxiques.

    L’impact du glyphosate sur la biodiversité est multiple et touche tous les milieux :

    👉 Destruction non ciblée de la flore

    L’effet du glyphosate sur les plantes est sans appel : il cible sans discriminations l’ensemble des plantes (sauf si elles ont subit des modifications génétiques afin de devenir résistantes). Ce traitement sans discrimination provoque un appauvrissement rapide de la flore sauvage en zone agricole, qu’il s’agisse du nombre de plantes ou de la diversité des espèces. Pourtant, les zones agricoles ne sont pas les seules à être touchées: le pesticide se dissipe jusqu’aux périphéries(en effet, impossible de le répandre sur une bande de terre sans qu’il se disperse). En outre, même les cultures biologiques bannissant l’usage de pesticides peuvent en contenir des traces si un champ non biologique se trouve à proximité.

    👉 Effets considérables sur la faune

    Dans un de ses rapports, l’EFSA a identifié un “risque élevé à long terme pour les mammifères dans 12 des 23 utilisations proposées du glyphosate”.

    • Des études de toxicité ont été menées et révèlent des risques évidents sur la faune :

      → Une étude sur des rats a démontré que la version la plus connue du glyphosate (glyphosate-Roundup) a eu un effet délétère sur la fertilité des mâles, telle que des anomalies au niveau des spermatozoïdes et une baisse de la fertilité.

      → Une étude sur des grenouilles a aboutie à l’existence d’un lien entre certains composants du pesticide et un impact négatif sur les hormones thyroïdiennes des grenouilles.

    • Décimation de populations d’oiseaux

    Une récente étude du Centre national de recherche scientifique (CNRS) a mis en évidence une chute radicale et alarmante des populations d’oiseaux se trouvant dans des zones d’agriculture intensive utilisant des pesticides. En Europe, les champs auraient perdu près de 60% de leurs populations d’oiseaux en à peine 40 ans.

    • Perturbation des populations aquatiques et pollution des cours d’eau

    Dans de une grande partie des pays d’Europe, les eaux sont polluées par le glyphosate. Or, une telle contamination des ressources en eau constitue une menace alarmante pour la vie aquatique.

    Or, il n’existe pas en Europe de système de surveillance des eaux de surface.

    Pourtant, de nombreuses études, telle que l’étude de PAN Europe (Pesticid Action Network) qui a démontré que même de faibles taux de glyphosate ont un impact sur la croissance et le développement d’espèces aquatiques, qu’il s’agissent de plantes, algues, poissons ou amphibiens. En effet, il perturbe la reproduction des amphibiens et a des effets néfastes sur les poissons, le phytoplancton et les plantes hydrophytes (plantes semi-aquatiques).

    Par exemple, de nombreuses études ont rapporté que le glyphosate est à l’origine de lésions du foie et des reins,notamment chez le tilapia du Nil, ainsi qu’une forte mortalité après 96 heures d’exposition à des doses élevées.

    • Nuisances non négligeables dans la vie du sol et chez les insectes

    Le glyphosate nuit également aux bactéries des sols ainsi qu’à la flore microbienne des insectes, tels que les abeilles, pourtant essentielles à la reproduction des plantes à fleurs ou des vers de terre.

    A l’aube du renouvellement de l’autorisation d’utilisation du glyphosate pour 10 ans, les débats se ravivent une fois de plus. Difficile de nier le doute persistant concernant ce pesticide : les évaluations des risques environnementaux sont incomplètes, voire absentes dans certains cas, soulevant de fait des interrogations concernant la légalité de la réhomologation de cette substance. Le souvenir du “DDT”, pesticide des années 70 à l’efficacité redoutable devenu polluant mortel est toujours dans les mémoires et fait écho aux débats actuels, nous amenant donc à être plus que prudents.

    👉 Sources :

    https://www.vie-publique.fr/questions-reponses/291363-glyphosate-une-autorisation-renouvelee-dans-lue-jusquen-2033#:~:text=C’est sur les conclusions,savoir%2C jusqu’en 2033

    https://citizens-initiative.europa.eu/initiatives/details/2017/000002/ban-glyphosate-and-protect-people-and-environment-toxic-pesticides_fr

    →https://ec.europa.eu/commission/presscorner/detail/fr/qanda_23_5793

    https://reporterre.net/ENT-Glyphosate-L-Europe-ferme-les-yeux-sur-la-perte-de-biodiversite-Dangers-du-glyphosate

    https://www.mnhn.fr/fr/actualites/le-glyphosate-est-il-nefaste#:~:text=Quel est l’impact du,la flore sauvage s’appauvrit

    https://www.amisdelaterre.org/wp-content/uploads/2013/06/5-glyphosate-impactenvironnement.pdf

    Cet article a été rédigé par Roxane, “ »Grande amatrice de documentaires scientifiques et amoureuse inconditionnée d’audiovisuel, lâches moi dans une salle de ciné et sois certain.e que j‘y passerai la journée ! »